La pathologisation des difficultés d’apprentissage et la subordination du social au biologique renvoient à la question épistémologique des cadres théoriques ou idéologiques sur lesquels elles sont fondées.
Il existe aujourd’hui un courant de la recherche en psychologie et en sciences humaines qui, s’appuyant sur le modèle des sciences de la nature, postule que l’explication des conduites humaines et des phénomènes sociaux doit être plutôt recherchée dans des déterminants biologiques que dans des déterminants environnementaux.
Dans ces conditions, il paraîtrait, par exemple, logique de penser que les inégalités sociales existant entre personnes handicapées et personnes valides s’expliquent par une relation causale entre l’atteinte par des déficiences et la catégorie socioprofessionnelle, puisqu’il est clair que certaines déficiences, notamment mentales, sont susceptibles de constituer un obstacle rédhibitoire pour l’accès à des emplois de haut niveau. Dans ce cas, ce serait la déficience qui influerait sur le destin social de la personne, mais il faut évidemment que la manifestation de la déficience précède l’acquisition du statut social.
De même, on pourrait penser que les difficultés qu’éprouvent les personnes handicapées à progresser dans leur emploi, lorsqu’elles en ont un, que ce soit en milieu adapté ou en milieu ordinaire, puissent vraisemblablement être liées à la gravité de leurs atteintes physiques ou psychiques. Or dans un dossier du CTNERHI, on découvre « qu’un grand nombre de travailleurs handicapés sont plus handicapés par leur faible qualification que par une déficience lourde »
Il existe des mécanismes de « production des inégalités en termes de handicap ». Le fait que certaines personnes courent plus de risques d’être en situation de handicap « n’est pas le fruit du hasard ou de l’hérédité », mais relève d’un processus dans lequel « le social s’immisce dans le biologique » ; « même la dimension biophysique du handicap (les déficiences) dépend de la position occupée dans la société et ne peut être entièrement comprise comme un fait de nature ».
Une telle mutation des représentations dans le champ du handicap méritait d’être approfondie, voire corroborée, grâce à d’autres contributions de chercheurs et de professionnels.